LE SECTEUR DES ALIMENTS POUR POISSONS AU KENYA, EN OUGANDA, EN TANZANIE ET AU RWANDA : SITUATION ACTUELLE, DEFIS ET STRATEGIES D’AMELIORATION
Ce document de synthèse propose une analyse approfondie de la situation actuelle du secteur de l’alimentation pour poissons en Afrique de l’Est, notamment au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie et au Rwanda. Le secteur aquacole de ces pays est en pleine croissance grâce à la demande croissante de poisson, mais il est confronté à des défis majeurs liés à la disponibilité d’aliments durables et de qualité. L’analyse souligne la rareté des aliments produits localement et adaptés aux différents stades de développement des poissons et identifie des obstacles tels que les questions réglementaires, l’accès limité à des ingrédients de qualité et l’insuffisance des infrastructures. Pour relever ces défis, le document suggère de renforcer la collaboration régionale, d’investir dans la recherche, de plaider en faveur de réformes politiques et d’améliorer les programmes de formation et de sensibilisation. Les informations fournies visent à guider les décideurs politiques dans la mise en œuvre de stratégies efficaces pour transformer le secteur de l’alimentation pour poissons dans la région.
Introduction
La population africaine compte actuellement environ 1,5 milliard d’habitants, soit 18 % de la population mondiale, et une croissance démographique significative est attendue. Le continent est confronté à une insécurité alimentaire et à une pauvreté chroniques, qui entravent la réalisation des objectifs de développement durable. Le poisson et les aliments aquatiques sont essentiels aux moyens de subsistance et à la nutrition, en particulier pour les groupes vulnérables comme les femmes et les enfants. Cependant, l’Afrique de l’Est est confrontée à un écart notable entre l’offre et la demande de poisson, la consommation de poisson par habitant étant nettement inférieure à la moyenne mondiale.

En Afrique de l’Est, la consommation de poisson par habitant varie de 2,3 kg au Rwanda à 10 kg en Ouganda, contre une moyenne continentale de 10 kg et une moyenne mondiale de 20,5 kg. Parmi les facteurs contribuant à cette faible consommation, on peut citer le déclin de la pêche de capture, qui pousse des pays comme le Kenya à importer du poisson pour répondre à la demande. Alors que la pêche de capture mondiale stagne, l’aquaculture en Afrique s’est développée, représentant désormais 16 à 18 % de la production halieutique totale et fournissant plus de la moitié de la consommation de poisson du continent.
Des pays comme le Kenya et l’Ouganda se fixent des objectifs ambitieux en matière de production aquacole, nécessitant un approvisionnement fiable en aliments pour poissons de haute qualité. Cependant, le secteur est confronté à un manque d’aliments locaux, abordables et adaptés aux différents stades de développement des poissons. Cette dépendance aux importations d’aliments pour poissons aggrave les coûts, poussant de nombreux aquaculteurs à adopter des pratiques d’alimentation sous-optimales qui freinent la productivité.
Malgré le potentiel de croissance du secteur aquacole, les investisseurs restent hésitants en raison du stade de développement naissant et des risques perçus sur les marchés émergents. Les aliments pour poissons représentent une part importante des dépenses agricoles, les protéines étant le composant le plus coûteux. Les petits exploitants recourent souvent à des aliments de mauvaise qualité, ce qui limite la productivité de l’aquaculture.
Il est urgent de mener des études et des recherches approfondies pour relever les défis auxquels est confrontée l’industrie des aliments pour poissons en Afrique de l’Est. Ce document vise à identifier les obstacles au développement durable et à proposer des améliorations stratégiques, afin d’éclairer les décideurs politiques pour renforcer le secteur des aliments pour poissons et accroître sa contribution à la sécurité alimentaire et à la croissance économique. Investir dans la recherche et des interventions ciblées est crucial pour catalyser des changements positifs dans le secteur.
2. Aperçu de la situation actuelle de l’industrie des aliments pour poissons en Afrique de l’Est
L’industrie des aliments pour poissons en Afrique de l’Est a connu une croissance remarquable grâce à l’essor de l’aquaculture, notamment au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie et au Rwanda. Cette croissance est liée à l’évolution vers des systèmes d’élevage semi-intensifs et intensifs, qui nécessitent davantage d’aliments. Par exemple, le lac Victoria au Kenya compte 5 242 cages, ce qui a considérablement accru la demande d’aliments pour poissons. Avant 2010, les usines produisaient principalement des aliments pour les animaux terrestres, les aliments pour poissons venant en second lieu. Pour répondre à cette demande croissante, les capacités de production locales ont été renforcées grâce à la création de nouvelles usines et à l’augmentation des importations. Cependant, les principaux investisseurs aquacoles dépendent encore fortement des aliments importés en raison de leur qualité supérieure et de leur rentabilité, conjuguées aux coûts de production locaux élevés et à la concurrence des matières premières d’autres secteurs.
De nombreux distributeurs et fabricants ont émergé dans la région, les principales entreprises ougandaises produisant environ 75 000 tonnes d’aliments par an, ce qui est inférieur aux 120 millions de tonnes nécessaires à la production aquacole du pays. Par conséquent, les grandes exploitations sont contraintes d’importer des aliments de pays comme la Zambie, l’Égypte et le Brésil. Certaines ont établi des partenariats avec des fabricants internationaux pour garantir un approvisionnement en aliments de qualité, comme c’est le cas avec Tunga Nutrition au Kenya. Les investissements dans la production locale d’aliments ont augmenté, soutenus par des incitations fiscales et des politiques gouvernementales visant à stimuler le secteur.
Malgré ces progrès, les aliments pour poissons produits localement restent inaccessibles pour de nombreux petits éleveurs, ce qui les pousse à créer des aliments maison souvent dépourvus de nutriments essentiels. La concurrence pour les matières premières aggrave ce problème, car de nombreux ingrédients utilisés dans les aliments aquacoles sont également des sources alimentaires vitales pour la population locale. Parmi les ingrédients courants, on trouve le riz, le blé et le son de maïs, mais ceux-ci manquent souvent d’acides aminés essentiels. Si les sources de protéines animales comme la farine de poisson sont très demandées, leur disponibilité est limitée, ce qui entraîne un besoin d’ingrédients alternatifs non destinés à la consommation humaine.
Les ingrédients locaux d’origine animale, comme la farine de sang et les sous-produits de volaille, offrent des sources de protéines rentables pour les régimes aquacoles. Cependant, ces ingrédients nécessitent souvent une supplémentation en composants riches en lysine pour répondre aux besoins nutritionnels des espèces d’élevage. La levure de bière, un sous-produit de l’industrie brassicole, constitue une alternative prometteuse à la farine de poisson, mais reste sous-utilisée. L’huile de poisson est rarement utilisée en raison de son coût élevé et de sa disponibilité limitée, les huiles végétales servant de substituts.
La concurrence pour les matières premières entre l’industrie de l’alimentation animale et les besoins alimentaires humains pose des défis aux fabricants d’aliments pour animaux. Au Kenya, par exemple, les fabricants d’aliments pour animaux utilisent environ 450 000 tonnes de matières premières par an, ce qui nécessite des importations pour soutenir la production locale. Globalement, si l’industrie de l’alimentation pour poissons en Afrique de l’Est évolue, d’importantes lacunes subsistent pour répondre aux besoins nutritionnels de l’aquaculture, en particulier pour les petits exploitants.
3. Défis de l’industrie des aliments pour poissons au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie et au Rwanda
3.1. Manque régional d’aliments et d’ingrédients pour poissons de qualité, fiables et abordables
L’industrie des aliments pour poissons en Afrique de l’Est est confrontée à d’importants défis liés à la disponibilité et à l’accessibilité d’aliments et d’ingrédients pour poissons de qualité. Les ingrédients locaux sont souvent inabordables pour les pisciculteurs, en particulier les composants d’origine animale et végétale. Cette hausse des prix est principalement due à la concurrence d’autres secteurs, tels que l’alimentation humaine et animale, et au caractère saisonnier de la production agricole. Par exemple, les céréales sont abordables pendant les récoltes, mais deviennent de plus en plus chères jusqu’à la récolte suivante. La disponibilité des matières premières fluctue également selon les saisons, les intrants agricoles étant plus abondants pendant les récoltes. Au Kenya, les deux saisons des pluies – longue (avril à juillet) et courte (octobre à décembre) – affectent les calendriers de semis et de récolte.
La farine de poisson, issue de sardines locales, connaît des pics de disponibilité à certaines périodes, comme les vents d’intermousson de mars à avril et de novembre à décembre. Cette espèce de poisson gagne en popularité sur le marché régional en tant que source de protéines pour les groupes économiquement défavorisés, ce qui a accru sa demande pour la consommation humaine et réduit sa rentabilité en tant qu’aliment pour animaux. Par conséquent, la demande croissante de farine de poisson a entraîné une hausse des prix des aliments pour poissons, impactant leur accessibilité et leur valeur nutritionnelle.
Au Rwanda, le marché des aliments pour poissons est sous-développé, avec un accès limité à des aliments de qualité. De nombreux éleveurs ont recours à des aliments artisanaux ou de qualité inférieure, ce qui nuit à la santé des poissons et à la baisse des rendements. Le changement climatique a encore exacerbé ces difficultés en affectant la disponibilité et la qualité des matières premières pour la production d’aliments pour poissons. La variabilité des températures, des régimes de précipitations et les phénomènes météorologiques extrêmes perturbent la productivité agricole, entraînant des fluctuations de l’approvisionnement en ingrédients alimentaires essentiels comme le maïs, le soja et la farine de poisson. Les mauvaises récoltes dues à la modification des régimes pluviométriques et à la hausse des températures ont réduit la disponibilité de ces ingrédients clés, augmentant les coûts et compliquant l’approvisionnement en aliments de qualité.
Pour répondre à la demande d’aliments pour poissons, la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) a souvent recours à l’importation d’ingrédients d’autres pays, à un coût élevé, ce qui se traduit par des aliments formulés coûteux. Cette situation représente un défi majeur pour les pisciculteurs extensifs et artisanaux, qui représentent plus de 90 % de la population aquacole totale. Les prix des ingrédients importés sont également volatils, influencés par les fluctuations des taux de change, ce qui complique encore davantage leur accessibilité. Face à ces coûts élevés, de nombreux pisciculteurs, notamment en Tanzanie, ont adopté une approche « auto-production », devenant des « producteurs locaux d’aliments pour poissons à la ferme ». Environ 80 % des pisciculteurs utilisent des ingrédients alimentaires disponibles localement pour compléter l’alimentation de leurs poissons. Cependant, ce recours à des aliments faits maison entraîne souvent une baisse de la production en raison d’un manque d’expertise en matière de formulation, ce qui se traduit par une qualité médiocre des aliments fabriqués à la ferme.
3.2. Obstacles réglementaires et enjeux politiques
En Tanzanie, environ 74 % des aliments pour poissons sont importés, dont seulement 26 % sont produits localement. Malgré les efforts déployés pour accroître la production locale, un écart important entre l’offre et la demande subsiste. En avril 2022, la Tanzanie comptait six usines privées d’aliments pour poissons produisant 540,6 tonnes, tandis que le gouvernement autorisait l’importation de 1 615,5 tonnes, soit 75 % du total des aliments utilisés dans le pays. Malgré l’exonération de la TVA et des droits d’importation, les prix élevés des aliments importés les rendent inabordables pour de nombreux pisciculteurs. Cette inflation des prix est exacerbée par des événements mondiaux tels que la pandémie de COVID-19 et la guerre russo-ukrainienne, ainsi que par les perturbations des chaînes d’approvisionnement. Le manque d’aliments locaux de haute qualité crée des obstacles supplémentaires à l’accessibilité et à l’abordabilité pour les pisciculteurs.
Au Kenya, la situation est encore compliquée par des droits d’importation spécifiques sur divers ingrédients d’aliments pour poissons. Par exemple, les tourteaux d’oléagineux sont soumis à un droit de douane de 10 %, tandis que le maïs provenant de pays extérieurs à la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) est soumis à une taxe de 50 %. Les importations de blé sont soumises à un droit de douane de 10 %, et les sous-produits comme le son de blé ou de maïs sont également taxés à 10 %. La dépendance à l’égard d’environ 70 types de prémélanges importés aggrave la pression financière sur le secteur. Outre les droits d’importation, des coûts supplémentaires tels que les frais de déclaration d’importation (3,5 %), les taxes de développement ferroviaire (2 %) et divers frais réglementaires imposés par des organismes comme le Kenya Bureau of Standards (KEBS) et le Kenya Plant Health Inspectorate Service (KEPHIS) gonflent les coûts globaux. Ces frais accessoires peuvent représenter environ 15 % de la valeur en douane, ce qui complique encore davantage le paysage financier de la production d’aliments pour poissons au Kenya.
3.3. Contrôle qualité non coordonné des aliments pour poissons et des matières premières
Assurer la qualité des aliments pour poissons est crucial pour la sécurité alimentaire, d’autant plus que le poisson est destiné à la consommation humaine. Ce document résume les défis rencontrés par le secteur des aliments pour poissons en matière de contrôle qualité, soulignant l’absence de systèmes complets d’analyse des risques et de maîtrise des points critiques (HACCP) et de bonnes pratiques de fabrication (BPF). Il aborde les incohérences en matière d’assurance qualité au sein des chaînes d’approvisionnement, la variabilité de la qualité des matières premières et les implications pour les aquaculteurs et l’industrie.
Le secteur des aliments pour poissons souffre de systèmes HACCP et BPF inadéquats, ce qui entraîne un manque d’assurance qualité structurée tout au long de la chaîne d’approvisionnement, de la transformation, de la formulation et de la distribution. Les audits externes sont rares, ce qui se traduit par des normes minimales pour les matières premières et un étiquetage des produits médiocre. Si certaines grandes usines adhèrent aux protocoles de qualité, leur mise en œuvre pratique est souvent insuffisante, et seules les grandes usines ont tendance à se soumettre à des audits, laissant le secteur informel largement non réglementé. Les sous-produits agricoles, tels que le son de céréales et les tourteaux d’oléagineux, sont couramment utilisés dans les aliments pour poissons, mais leur qualité varie considérablement selon la région et les méthodes de transformation. Par exemple, la qualité du son de riz s’est détériorée depuis la fermeture de l’usine de riz de Mwea au Kenya, la teneur en protéines brutes passant d’environ 10 % à 3-6 % en raison de la falsification. En revanche, le son de blé issu des transformateurs industriels conserve une qualité plus constante, avec une teneur en protéines brutes de 14 à 17 %. Malgré leur potentiel, ces matières premières sont soumises à des fluctuations saisonnières et régionales de disponibilité.
La qualité des aliments pour poissons dans la région est inégale, l’étiquetage ne reflétant souvent pas fidèlement la composition réelle. Ce manque de transparence crée de l’incertitude pour les pisciculteurs et pose des défis aux entreprises fournissant des aliments de haute qualité. Les petits fabricants manquent souvent de contrôle qualité rigoureux, ce qui se traduit par des aliments de mauvaise qualité. Au Rwanda, par exemple, la qualité de la farine de poisson est compromise par une contamination excessive par les fibres et les aflatoxines, et les petits exploitants agricoles ont un accès limité à des installations de test abordables. L’absence d’installations d’essai centralisées et abordables entrave la formulation efficace des aliments, ce qui entraîne des écarts entre les compositions annoncées et réelles, affectant ainsi les performances des piscicultures et la confiance envers les fabricants. En réponse, les États membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE), par l’intermédiaire de l’Organisation des pêches du lac Victoria (OPLV), ont élaboré des directives régionales pour améliorer les mesures de contrôle qualité. Cependant, la fragmentation du paysage réglementaire et les ressources financières limitées dans de nombreux pays d’Afrique de l’Est entravent la mise en place de mécanismes législatifs et d’application efficaces, freinant ainsi les progrès du secteur et la coordination des parties prenantes.
3.4. Limitations des infrastructures
Les producteurs privés locaux ne parviennent pas à répondre à la demande d’aliments aquacoles en Ouganda en raison de leurs capacités de distribution et de production inégales. De ce fait, de nombreux aquaculteurs se sont tournés vers la production de leurs propres aliments, mais ils sont confrontés à des défis considérables. Le manque de technologies, d’électricité et de machines adéquates dans les zones rurales entrave la préparation de ces aliments fabriqués à la ferme. Le recours à des hachoirs manuels limite encore davantage l’échelle des exploitations piscicoles, ce qui souligne la nécessité de renforcer la formation aux technologies de fabrication d’aliments.
Outre les difficultés de production, l’insuffisance des installations de stockage des aliments et des ingrédients aggrave les difficultés rencontrées par les petites exploitations. Les ingrédients des aliments pour poissons provenant de zones agroécologiques chaudes et humides sont sujets à la contamination par des champignons mycotoxigènes s’ils ne sont pas stockés correctement. Une étude a révélé des taux de contamination alarmants : 48 % des échantillons d’usine et 63 % des échantillons d’élevage du bassin du lac Victoria ont été testés positifs à l’aflatoxine B1, avec des niveaux de toxines très variables. Cette contamination représente un risque sérieux pour la production d’aliments pour poissons et l’aquaculture. Le problème de la détérioration des aliments pour animaux est souvent lié au manque de connaissances et de ressources des agriculteurs concernant leur manipulation. En Afrique de l’Est, de nombreux agriculteurs ignorent l’importance cruciale de pratiques de transport, de manutention et de stockage appropriées. Par exemple, le transport des aliments dans des véhicules ouverts les expose à l’humidité, ce qui augmente le risque d’infections fongiques. De plus, des conditions de stockage inadaptées peuvent entraîner des infestations de parasites, compromettant ainsi davantage la qualité des aliments. Un mauvais stockage des aliments entraîne des pertes de nutriments, une détérioration, une baisse des rendements piscicoles et une baisse des revenus, impactant ainsi la rentabilité des exploitations agricoles.
4.5. Manque de sensibilisation et de connaissances sur la gestion de l’alimentation des poissons
De nombreux éleveurs d’Afrique de l’Est ont une compréhension limitée de la qualité, de la gestion et des besoins nutritionnels des poissons. Lors du calcul des rations alimentaires, ils ne respectent souvent pas les doses recommandées et négligent des facteurs tels que la température ambiante, la masse corporelle et la biomasse de l’étang. Une mauvaise tenue des registres complique encore la situation, car les éleveurs peinent à ajuster les rations quotidiennes sans données précises. De plus, beaucoup manquent de connaissances et de compétences pour surveiller et enregistrer l’utilisation des aliments, ce qui les empêche d’utiliser les indices de conversion alimentaire (IC) pour évaluer l’efficacité alimentaire. De plus, des registres inadéquats sur les taux de charge, les mortalités et la qualité de l’eau compliquent l’évaluation et l’optimisation des systèmes de production, compromettant ainsi leur capacité à mettre en œuvre des stratégies de gestion efficaces et à améliorer l’efficacité de la production. Ce manque de compétences en gestion de l’alimentation affecte la rentabilité et sape la confiance entre les éleveurs et les fabricants d’aliments. Les éleveurs peuvent attribuer à tort une faible rentabilité à des aliments de qualité inférieure fournis par les fabricants, freinant ainsi davantage le potentiel de croissance du secteur de l’alimentation des poissons.
3.6. Défis liés à la formulation des aliments
Des aliments correctement formulés sont essentiels au succès de l’aquaculture. Pourtant, de nombreux fabricants peinent à créer des aliments répondant aux besoins nutritionnels spécifiques des différentes espèces de poissons et à leurs stades de vie. En Afrique de l’Est, il existe un manque important d’informations détaillées sur la teneur nutritionnelle des ingrédients locaux. Par conséquent, de nombreux aliments formulés localement s’appuient sur des analyses internationales d’ingrédients de haute qualité, sans validation scientifique locale suffisante pour leur efficacité en production piscicole.
Ce problème est exacerbé par le fait que les fabricants négligent souvent les besoins nutritionnels spécifiques des espèces d’élevage, ce qui conduit à l’utilisation d’aliments inadaptés. De plus, certains aquaculteurs ont recours à des aliments de grossissement commerciaux contenant des niveaux excessifs de protéines ou à des aliments conçus pour différentes espèces, ignorant ainsi les besoins nutritionnels établis des poissons locaux. Bien que des recherches aient été menées pour déterminer ces besoins nutritionnels, la diffusion de ces connaissances auprès des petits producteurs d’aliments reste insuffisante, ce qui laisse les aquaculteurs dans l’ignorance des besoins nutritionnels de leurs espèces cibles. Ce manque de sensibilisation peut entraîner des carences nutritionnelles qui nuisent à la croissance et à la santé des poissons.
De plus, des aliments d’élevage mal mélangés contribuent à des résultats de production sous-optimaux. Si des aliments correctement formulés peuvent améliorer la productivité aquacole et réduire les coûts, les éleveurs peinent souvent à bien mélanger les ingrédients pour garantir un apport équilibré en nutriments essentiels. Une étude menée en Tanzanie par Mramba et Kahindi a montré que les éleveurs utilisant des aliments commerciaux obtenaient des rendements piscicoles supérieurs à ceux utilisant des aliments d’élevage, principalement en raison d’un mélange inapproprié et de pratiques de stockage inadéquates qui entraînent une dégradation des nutriments.
3.7. Défis financiers et de subsistance
Les pisciculteurs de la région peinent à maintenir des horaires d’alimentation réguliers en raison de contraintes financières, ce qui entraîne des schémas alimentaires irréguliers. Cette incohérence freine non seulement la croissance des poissons, mais affecte également la qualité de la production. Le recours aux subventions complique encore la situation, car il favorise la dépendance aux aides extérieures au lieu d’encourager les pisciculteurs à investir dans des pratiques durables. Cette dépendance crée un état d’esprit qui privilégie les solutions à court terme au détriment de la croissance entrepreneuriale à long terme dans le secteur aquacole.
De plus, la disponibilité sporadique des fonds pour l’achat d’aliments contribue à un cycle d’imprévisibilité dans les exploitations piscicoles. Les pisciculteurs ont souvent du mal à prévoir avec précision leurs flux de trésorerie, ce qui les oblige à prendre des décisions ponctuelles concernant l’approvisionnement en aliments. Cette imprévisibilité perturbe les horaires d’alimentation et complique les efforts visant à atteindre des taux de croissance et une efficacité alimentaire optimaux.
La dépendance aux intrants subventionnés peut freiner l’innovation et décourager les pisciculteurs d’améliorer leurs pratiques ou d’explorer d’autres sources de revenus. Bien que les subventions soient destinées à soutenir les petits exploitants agricoles, elles peuvent involontairement entraver le développement d’entreprises agricoles résilientes et autonomes. À terme, cette dépendance compromet la pérennité de la pisciculture dans la région.
3.8. Recherche et développement inadéquats
Au Kenya, le secteur aquacole est fortement affecté par un manque d’investissement en R&D, ce qui limite le développement d’alternatives abordables et locales aux aliments pour poissons. Cette dépendance aux aliments importés non seulement augmente les coûts de production, mais expose également le secteur aux fluctuations des marchés internationaux. Parmi les principaux problèmes figurent la pénurie de semences et d’aliments certifiés de qualité, l’absence de politique aquacole globale et le financement insuffisant de la recherche.
De même, l’Ouganda est confronté à une stagnation du secteur des aliments pour poissons en raison d’un manque de R&D, ce qui se traduit par des formulations d’aliments obsolètes qui entravent la réduction des coûts et l’efficacité alimentaire. Ce manque d’innovation limite le potentiel du secteur aquacole à améliorer la sécurité alimentaire et à contribuer au développement économique.
En Tanzanie, le manque d’efforts en R&D a entraîné une pénurie de solutions alimentaires adaptées localement, capables d’utiliser efficacement les matières premières disponibles. Ce manque empêche la création d’aliments rentables et nutritifs, nécessaires à une croissance durable de l’aquaculture. Une analyse approfondie des chaînes de valeur du poisson, des semences et des aliments pour poissons en Tanzanie a identifié des facteurs critiques qui entravent le développement, soulignant la nécessité d’une recherche collaborative et de services de vulgarisation améliorés.
Le Rwanda connaît également un faible investissement en R&D pour la production d’aliments pour poissons, ce qui entraîne une dépendance à des méthodes d’alimentation inefficaces. Cette situation freine le développement d’options alimentaires durables et rentables, essentielles à la croissance du secteur aquacole.
Dans tous ces pays, le défi majeur réside dans le besoin urgent d’accroître les investissements en R&D afin de stimuler l’innovation dans la production d’aliments pour poissons. Cela nécessite non seulement des ressources financières, mais aussi la mise en place de politiques et de cadres de soutien favorisant la collaboration entre les chercheurs, le secteur privé et les entités gouvernementales.
3.9. Influence des habitudes de consommation de poisson
En Afrique de l’Est, la consommation de poisson est influencée par diverses croyances culturelles et religieuses, ce qui pose des défis à l’industrie de l’alimentation pour poissons. Par exemple, la communauté masaï considère le poisson comme tabou, ce qui entraîne une baisse de la demande dans les régions où elle réside. Cette croyance culturelle affecte non seulement les marchés locaux de poisson, mais réduit également les besoins en aliments pour poissons. De plus, les membres de l’Église adventiste du septième jour s’abstiennent de consommer du poisson-chat africain, ce qui limite encore davantage le marché de cette espèce en raison du nombre important de fidèles dans la région.
Ces restrictions culturelles et religieuses constituent des obstacles pour les fabricants d’aliments pour poissons, car la baisse de la consommation locale entraîne une baisse de la demande pour la pisciculture et, par conséquent, pour les aliments pour poissons. Les fabricants doivent s’adapter à ces contextes culturels pour identifier des marchés viables tout en produisant des aliments pour espèces culturellement acceptables, ce qui n’est pas toujours compatible avec la viabilité commerciale ou la durabilité environnementale.
5. Stratégies d’amélioration

5.1. Collaboration pour bâtir une chaîne d’approvisionnement régionale en aliments pour poissons
L’interdépendance des activités aquacoles dans les pays de la CAE nécessite une approche régionale pour favoriser les changements structurels au sein de la chaîne de valeur du poisson. La faible demande d’aliments pour poissons limite les investissements dans la fabrication d’aliments pour poissons, tandis que la disponibilité insuffisante d’aliments pour poissons décourage les entrepreneurs d’investir dans les fermes aquacoles. Ce cycle se poursuit jusqu’à ce qu’une masse critique de fermes et de volumes de poissons soit atteinte, d’où l’importance de répondre à la demande et à l’offre à l’échelle régionale plutôt qu’au niveau national.
Une initiative importante dans ce secteur est le Partenariat Tunga Nutrition, qui comprend des coentreprises gérées par Nutreco avec des filiales du groupe Unga au Kenya et en Ouganda. Tunga Nutrition Kenya se concentre sur le renforcement des capacités de production d’une usine d’aliments pour poissons à Nairobi, commercialisant des produits sous les marques Skretting et Fugo. En Ouganda, Tunga Nutrition vise à moderniser une minoterie inactive pour en faire une usine de production d’aliments et de concentrés pour animaux, commercialisés sous les marques Hendrix de Trouw Nutrition et Fugo d’Unga. Ce partenariat a attiré des investissements substantiels, aidant le Kenya et l’Ouganda à répondre à la demande croissante de protéines de haute qualité en stimulant la production locale d’aliments pour poissons et en réduisant leur dépendance aux importations.
Un autre exemple est l’usine d’aliments pour poissons SamakGro à Naivasha, au Kenya, fruit d’une collaboration entre Victory Farms, Maxim Agri Holdings et Gatsby Africa, qui a amélioré les capacités de production locales. Ugachick, en Ouganda, a également investi dans des technologies avancées de production d’aliments pour poissons, s’imposant ainsi comme un fabricant leader d’aliments pour poissons. Ces initiatives démontrent comment la collaboration peut efficacement construire une chaîne d’approvisionnement régionale en aliments pour poissons en mutualisant les ressources, l’expertise et les technologies, garantissant un approvisionnement constant en aliments de haute qualité et comblant l’écart entre l’offre et la demande plus efficacement que des initiatives isolées.
Les décisions d’investissement dans la chaîne de valeur de l’aquaculture doivent tenir compte du contexte régional plus large plutôt que de se fier uniquement aux conditions propres à chaque pays. L’intervention des gouvernements est cruciale pour faciliter cette approche régionale, car elle implique la conclusion d’accords de libéralisation des échanges commerciaux transfrontaliers en Afrique de l’Est et la mise en place de mécanismes indépendants de contrôle de la qualité des aliments. Cela favorise une qualité standardisée au-delà des frontières et renforce la confiance entre les acteurs du secteur aquacole.
5.2. Initiatives de R&D
Les initiatives de recherche et développement (R&D) jouent un rôle essentiel pour résoudre les problèmes d’approvisionnement et de qualité des ingrédients au sein de l’industrie de l’alimentation des poissons. Une approche prometteuse consiste à explorer des sources de protéines alternatives, telles que les insectes, qui offrent une option protéique durable et économique par rapport aux ingrédients traditionnels comme le poisson et le tourteau de soja. En se concentrant sur la composition nutritionnelle et les niveaux d’inclusion optimaux d’ingrédients à base d’insectes, l’industrie peut diversifier ses sources de matières premières. De plus, des stratégies d’alimentation innovantes et des avancées dans les techniques de formulation d’aliments peuvent améliorer la qualité nutritionnelle et la digestibilité des aliments pour poissons, ce qui profite in fine aux pratiques aquacoles.
Dans des régions comme la Chine, d’importants investissements en R&D ont permis des avancées dans le métabolisme des nutriments et une régulation précise de ces derniers afin de répondre à la demande croissante de produits aquatiques de haute qualité. Cependant, des innovations similaires font défaut dans les pays d’Afrique de l’Est, ce qui souligne la nécessité de renforcer la recherche sur les formulations d’aliments afin de répondre aux besoins alimentaires spécifiques des différentes espèces de poissons et à leurs différents stades de vie. L’amélioration des technologies de transformation des aliments pour poissons peut améliorer leur appétence et leur durée de conservation, tandis que des mesures rigoureuses de contrôle qualité garantissent la cohérence et la sécurité. En développant des protocoles d’assurance qualité efficaces, l’industrie peut renforcer la confiance entre les pisciculteurs et les fabricants d’aliments pour poissons, favorisant ainsi un marché des aliments pour poissons fiable et durable.
5.3. Intégration des technologies numériques
L’intégration des technologies numériques dans la production d’aliments pour poissons en Afrique de l’Est représente une opportunité transformatrice pour améliorer l’efficacité et la durabilité. Des outils tels que les distributeurs automatiques et les systèmes de surveillance en temps réel de la qualité de l’eau permettent d’optimiser l’utilisation des aliments et d’améliorer les taux de croissance des poissons. En permettant une prise de décision basée sur les données, ces technologies aident les éleveurs à mettre en œuvre des pratiques de gestion des aliments plus efficaces. Par exemple, les outils d’agriculture de précision garantissent que les poissons reçoivent la quantité de nutriments adaptée à leur stade de croissance, minimisant ainsi les problèmes courants de suralimentation et de sous-alimentation associés aux méthodes traditionnelles. De plus, les systèmes d’alimentation automatisés peuvent réduire les coûts de main-d’œuvre tout en améliorant les indices de conversion alimentaire (IC).
Par ailleurs, la technologie blockchain joue un rôle crucial dans l’amélioration de la traçabilité au sein de la chaîne d’approvisionnement en aliments pour poissons. En fournissant un enregistrement transparent et immuable de la production d’aliments, les systèmes blockchain garantissent l’authenticité et la qualité des aliments, renforçant ainsi la confiance des éleveurs et le respect des réglementations. Des initiatives comme Bumble Bee Foods et le système blockchain de SAP pour le suivi du poisson frais, ainsi que l’intégration par OpenSC d’appareils IoT pour le suivi de la chaîne d’approvisionnement, illustrent le potentiel de la blockchain pour améliorer la transparence et la responsabilité dans le secteur de l’alimentation pour poissons. De plus, les applications mobiles et les plateformes en ligne, comme AquaRech au Kenya, facilitent le partage des connaissances et la formation entre les pisciculteurs, ce qui entraîne une augmentation de la productivité et une réduction des pertes dans les exploitations aquacoles.
5.4. Influence sur les politiques et recommandations pour la réforme et le soutien réglementaires
Il est nécessaire de signaler la nécessité pour les gouvernements de la CAE d’envisager une réduction temporaire des droits d’importation sur les aliments pour poissons de haute qualité afin d’alléger la charge financière des aquaculteurs. Une telle réduction permettrait non seulement d’améliorer l’accessibilité à des aliments nutritifs essentiels à une croissance optimale des poissons, mais aussi d’encourager l’adoption de bonnes pratiques en aquaculture. En améliorant l’accès à des aliments abordables et de qualité, la région peut stimuler les investissements dans la chaîne de valeur de l’aquaculture, ce qui, à terme, conduira à une plus grande autosuffisance et à une plus grande compétitivité du secteur.
De plus, la promotion de ces réductions temporaires s’inscrit dans des objectifs plus larges de renforcement de la sécurité alimentaire, du développement économique et de la durabilité dans la CAE. Rendre les aliments pour poissons de qualité plus abordables peut renforcer le secteur aquacole en tant que source vitale de protéines et de revenus pour les communautés locales. Une analyse révèle d’importantes disparités de prix pour le maïs et le tourteau de soja sur différents marchés, ce qui indique qu’une exonération des droits de douane pour le maïs d’origine mondiale pourrait entraîner des réductions de coûts substantielles. Cela profiterait non seulement aux pisciculteurs, mais contribuerait également au paysage économique global de la région, favorisant une industrie aquacole plus résiliente.
5.5. Renforcement du contrôle qualité et des normes
Il est essentiel de mettre en œuvre des mesures rigoureuses de contrôle qualité et des inspections régulières sur le marché des aliments pour poissons afin d’accroître la productivité et la rentabilité de l’aquaculture. Cela souligne la nécessité de former et de certifier les producteurs d’aliments aux meilleures pratiques afin de maintenir des normes élevées et de prévenir la propagation de produits de qualité inférieure. L’établissement de normes nationales de qualité des aliments pour poissons est crucial pour protéger les éleveurs et promouvoir la durabilité. Les exemples du Kenya, de l’Ouganda et de la Tanzanie illustrent l’impact positif de ces initiatives, notamment une meilleure gestion des aliments et des économies de coûts pour les éleveurs. De plus, la collaboration régionale pour l’élaboration de directives de certification constitue une étape importante vers l’harmonisation des normes de qualité, la garantie d’une production cohérente d’aliments pour poissons et la promotion de la croissance du secteur.
5.6. Développement des capacités humaines et services de vulgarisation
Le secteur aquacole est confronté à d’importants défis en raison de capacités de recherche insuffisantes, d’une expertise limitée et de l’absence de programmes efficaces de formulation d’aliments. Ces problèmes conduisent à une dépendance à des aliments de base qui ne répondent pas aux besoins nutritionnels de diverses espèces de poissons, ce qui freine la production. La pénurie de pisciculteurs qualifiés maîtrisant les techniques avancées de gestion des aliments complique encore la situation, soulignant la nécessité d’approfondir les connaissances dans ce domaine.
Pour relever ces défis, il est crucial que les gouvernements de la CAE investissent dans des initiatives de renforcement des capacités destinées aux agents de vulgarisation aquacole et aux associations de pisciculteurs. Cela comprend le développement de programmes de formation pour les fabricants locaux d’aliments pour poissons afin d’améliorer la qualité et l’accessibilité des aliments. De plus, l’intégration de formations pratiques à la formulation d’aliments dans les programmes d’enseignement et l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) peuvent diffuser efficacement les connaissances et soutenir les pisciculteurs. Ces stratégies contribueront à former une main-d’œuvre plus qualifiée et à améliorer la productivité globale du secteur aquacole.
5.7. Soutien aux politiques et à l’investissement public
En Afrique de l’Est, l’aquaculture est reconnue comme une stratégie essentielle pour améliorer la sécurité alimentaire et la création d’emplois. Cependant, le secteur est confronté à un financement public insuffisant et à une mauvaise exécution des politiques établies pour le développement des aliments pour poissons. Pour encourager les investissements du secteur privé et assurer la durabilité, il est essentiel que les gouvernements renforcent le soutien politique, appliquent la réglementation et investissent dans les infrastructures nécessaires. Par exemple, la récente promulgation par l’Ouganda de la loi de 2023 sur les aliments pour animaux marque une étape importante vers la réglementation de la production et de la commercialisation des aliments pour animaux, cruciales pour l’industrie aquacole.
Pour soutenir davantage le secteur aquacole, les politiques de soutien devraient se concentrer sur la rationalisation des processus opérationnels, la réduction des taxes et la baisse des droits d’importation sur les intrants essentiels. Les coûts de transport élevés et l’approvisionnement électrique peu fiable freinent l’investissement du secteur privé et le développement des chaînes de valeur aquacoles. Par conséquent, des investissements importants dans les infrastructures, notamment les systèmes de transport et l’approvisionnement en électricité, sont nécessaires pour assurer la croissance du secteur et répondre à la demande locale. Malgré les engagements du gouvernement en matière de contrôle de la qualité, le renforcement des capacités du secteur demeure un besoin urgent.
5.8. Institutions sectorielles et associations industrielles
La création d’une association d’alimentation aquacole bien financée est essentielle pour combler le vide institutionnel créé par la libéralisation du secteur de l’alimentation aquacole en Afrique de l’Est. Cette association, supervisée par le gouvernement mais gérée par le secteur privé, s’attaquerait aux défis du secteur de l’alimentation aquacole en élaborant des lois, en définissant les critères d’adhésion, en mettant en œuvre des systèmes d’autorégulation et HACCP, en réalisant des audits et en appliquant les normes. En consolidant diverses fonctions et en garantissant la représentation de toutes les parties prenantes clés, y compris les fournisseurs et les fabricants, l’association améliorerait la gouvernance globale et l’efficacité du secteur.
5.9. Formation et sensibilisation des fournisseurs d’aliments pour poissons
Investir dans l’innovation et le développement des compétences pour la production commerciale d’aliments pour poissons est essentiel à la croissance du secteur de l’alimentation animale en Afrique de l’Est. La région dispose de plusieurs programmes de formation en aquaculture à différents niveaux, proposés par des institutions telles que l’Université de Nairobi, l’Université de Makerere et l’Université d’agriculture de Sokoine. Ces programmes visent à doter les individus des connaissances nécessaires aux pratiques aquacoles, notamment en matière d’élevage et de gestion. Cependant, un défi majeur persiste en raison de l’inadéquation du cadre institutionnel de formation du personnel du secteur de l’alimentation animale, ce qui entraîne une inadéquation entre la demande de main-d’œuvre qualifiée et l’offre de formations pertinentes. Pour y remédier, il est recommandé de comparer l’industrie est-africaine de l’alimentation animale à des secteurs plus développés, comme celui de l’Afrique du Sud, afin d’adapter efficacement les directives réglementaires.
Par ailleurs, le renforcement des compétences techniques et la promotion d’approches innovantes sont essentiels pour améliorer la compétitivité et la durabilité du secteur de l’alimentation animale en Afrique de l’Est. La collaboration entre les acteurs du secteur, les établissements d’enseignement et les agences gouvernementales est essentielle pour créer des programmes de formation répondant aux besoins spécifiques du secteur. En outre, l’exploitation des partenariats internationaux et des meilleures pratiques peut fournir des informations et une expertise essentielles pour soutenir les initiatives régionales de renforcement des capacités, soutenant ainsi en fin de compte la croissance et le développement de l’industrie de l’aquaculture en Afrique de l’Est.
5.10. Amélioration des installations de stockage
L’amélioration des installations de stockage joue un rôle crucial dans la préservation de la qualité des aliments pour poissons en aquaculture. Il est recommandé de stocker les aliments pour poissons dans des environnements bien ventilés et à température contrôlée afin de contrer les effets néfastes des fluctuations de température et d’humidité. De plus, la protection contre les infestations de nuisibles est essentielle pour prévenir la contamination et la détérioration. La mise en œuvre d’une approche « premier entré, premier sorti » garantit que les aliments plus anciens sont utilisés avant les plus récents, minimisant ainsi le risque de détérioration. L’élaboration de directives complètes sur les pratiques de stockage et de manutention aidera les éleveurs à optimiser la qualité des aliments et à réduire les pertes, contribuant ainsi à la durabilité des exploitations aquacoles.
Des exemples issus d’autres secteurs illustrent les avantages d’un stockage amélioré à la ferme. Une étude de Huss et al. (2021) a révélé que l’amélioration des technologies de stockage et des formations a considérablement réduit l’insécurité alimentaire pendant les restrictions liées à la COVID-19. Cela souligne le potentiel de meilleures solutions de stockage pour amortir les chocs d’approvisionnement alimentaire et soutenir l’adaptation climatique à long terme. Par ailleurs, une étude menée en Tanzanie a montré que la fourniture de sacs de stockage hermétiques aux ménages agricoles a permis de réduire de 38 % le nombre de ménages en situation d’insécurité alimentaire grave pendant la période de soudure. Ces résultats démontrent que les technologies de stockage modernes, associées à des directives efficaces, peuvent aider les agriculteurs à améliorer la qualité des aliments, à réduire les pertes et à accroître la productivité et la durabilité globales des exploitations aquacoles.
5.11. Subventions et incitations pour la production locale d’aliments pour poissons
Les gouvernements du Kenya, de l’Ouganda, de la Tanzanie et du Rwanda devraient mettre en place des subventions pour les matières premières et des incitations fiscales pour les producteurs locaux d’aliments pour poissons afin de réduire les coûts de production. Par exemple, le programme kenyan de subventions aux aliments pour poissons a réussi à encourager les ménages à s’engager sur le marché des aliments améliorés pour poissons, augmentant ainsi la demande du secteur privé pour de meilleures options d’alimentation.
Les partenariats public-privé sont essentiels à la création d’installations locales de production d’aliments pour poissons, ce qui peut réduire la dépendance aux aliments importés. L’initiative FoodTechAfrica en est un exemple : elle rassemble 21 entreprises et universités pour améliorer la sécurité alimentaire grâce à une chaîne de valeur aquacole complète. Leur collaboration a conduit à la création d’une usine flottante d’aliments pour poissons à Nairobi, produisant des aliments de haute qualité et bénéficiant considérablement aux pisciculteurs locaux.
En Ouganda, un partenariat entre Ugachick et des investisseurs internationaux a donné naissance à une usine d’aliments pour poissons moderne utilisant des ingrédients locaux, stimulant ainsi la production locale d’aliments pour poissons et créant des emplois. Des stratégies similaires sont proposées en Tanzanie, où des ingrédients alimentaires locaux, comme le son de maïs, peuvent être utilisés pour développer des aliments pour poissons rentables et nutritifs. Ces partenariats sont essentiels pour renforcer les capacités locales de production d’aliments grâce à l’apport de technologies, de capitaux et d’expertise.
5.12. Renforcer la participation des femmes dans le secteur de l’alimentation piscicole
Les femmes jouent un rôle essentiel dans la pisciculture et la transformation du poisson en Afrique de l’Est. Pourtant, elles se heurtent à d’importants obstacles qui entravent leur pleine participation, tels qu’un accès limité au crédit, à la formation et à des intrants de qualité comme l’alimentation piscicole. Pour autonomiser les femmes dans ce secteur, il est essentiel d’améliorer leur accès aux ressources et à la formation, ce qui renforcera leurs compétences et leurs connaissances. De plus, la mise en place d’une politique de financement agricole au Kenya est cruciale pour combler les lacunes en matière d’accès des femmes aux ressources financières, leur permettant d’investir dans les intrants nécessaires et de favoriser la croissance des entreprises aquacoles dirigées par des femmes.
De plus, il est essentiel de lever les obstacles sociaux et culturels pour promouvoir l’inclusion dans le secteur de l’alimentation piscicole. Si certaines régions, comme le comté de Bungoma, n’imposent pas de restrictions culturelles strictes à la participation des femmes à l’aquaculture, certaines attentes, comme le port du pantalon lors de l’entretien des étangs, soulignent la nécessité de prendre en compte les dynamiques culturelles locales. Reconnaître ces normes est essentiel pour développer des stratégies efficaces qui soutiennent et renforcent le rôle des femmes dans la transformation et la vente du poisson, conduisant à terme à une plus grande indépendance économique et à de meilleurs moyens de subsistance pour les femmes du secteur.
Conclusion
Le secteur de l’alimentation des poissons en Afrique de l’Est est freiné par des problèmes tels que l’accès limité à des ingrédients de qualité, les obstacles réglementaires, un contrôle qualité insuffisant, des infrastructures inadéquates et un manque d’expertise en gestion des aliments. Pour relever ces défis, l’étude propose plusieurs stratégies concrètes, notamment favoriser la collaboration pour une chaîne d’approvisionnement régionale plus solide, investir dans la recherche et le développement, plaider en faveur de réformes politiques, améliorer la formation et le renforcement des capacités, promouvoir l’investissement public et renforcer les institutions du secteur. Par ailleurs, l’amélioration des installations de stockage pour maintenir la qualité des aliments est jugée essentielle. Relever ces défis est essentiel pour la durabilité et la croissance de l’aquaculture, répondre à la demande croissante de poisson et améliorer la sécurité alimentaire et le développement économique de la région.
Source : Munguti, J., M. Muthoka, M. Chepkirui, et al. 2024. “The Fish Feed Sector in Kenya, Uganda, Tanzania, and Rwanda: Current Status, Challenges, and Strategies for Improvement—A Comprehensive Review.” Aquaculture Nutrition 8484451: 18.