STATUT ACTUEL DE L’AQUACULTURE REGIONALE DE L’AFRIQUE, CAS DU CAMEROUN
Par : Dr Mustapha ABA. Expert en Aquaculture. Nutrition des Poissons. Rabat. Maroc
Le Cameroun est située au fond du Golfe de Guinée en Afrique Centrale et couvre une superficie de 475 000 kilomètres carrés, cette extension géographique confère au pays une grande diversité géographique et écologique, la population au Cameroun est estimée à plus de 29 Millions. Au Cameroun, l’agriculture, l’élevage et la pêche occupent plus de 70% de la population active et représentent 30% du PIB selon la FAO (2022). Le poisson représente 40% et 9,5% de l’apport protéique d’origine animale et des besoins totaux de la population, respectivement. Il existe un grand potentiel pour la production du poisson au Cameroun, vu que ce pays est doté importantes ressources hydriques comprenant des eaux intérieures naturelles couvrant plus de 40.000 kilomètres continentales réparties entre les lacs artificiels (Lagdo, Mbakaou, Mapé, Bamendjin, Maga), les plaines d’inondation (bassin du lac Tchad) et les rivières au sein de 4 grands bassins hydrographiques. Le Gouvernement Camerounais a reconnu le rôle important de l’aquaculture et tente de relancer son industrie aquacole. Le secteur est devenu une priorité pour le gouvernement qui a élaboré un cadre stratégique pour le développement durable de l’aquaculture et qui révise le cadre juridique régissant la pêche et l’aquaculture au Cameroun en raison de la croissance de la population et la détérioration des stocks de poissons naturels en raison de la pêche excessive, par conséquent, l’aquaculture semble être une excellente solution à la demande massive de poissons, ce qui a mené le pays à développer l’aquaculture afin de satisfaire la demande en poisson, cette aquaculture est principalement pratiquée en eau douce malgré les 402 km de la longueur du littoral Camerounais, et dominée par 2 espèces le tilapia du Nil et le poisson chat Africain.
Introduction
Selon l’OCDE (2023), afin d’assurer la sécurité alimentaire, la production mondiale de poisson devrait augmenter de 1,2 % par an et devrait atteindre 203 Mt d’ici 2031, soit une augmentation globale de 25 Mt (+14 %) par rapport à la période de référence (moyenne 2019-2021), et d’ici 2031, la production aquacole mondiale devrait atteindre 108 Mt, soit 12 Mt de plus que le secteur de la capture. L’aquaculture dans l’offre totale de poissons atteindra 53 % en 2031 contre 49 % au cours de la période de 2020 (figure 1)
Fig 1 : Aquaculture, production totale de capture et capture pour la consommation humaine (Source OCDE/FAO (2022)
Les captures de pêches sont passées de 7 Millions de tonnes à 10 millions de tonnes en 2020, alors que la production en aquaculture était d’environ 450 000 tonnes en 2000, augmentait pour atteindre presque 2 millions 420 000 tonnes en 2020 (FAO, 2024).
Les 2,4 Millions de produits d’aquaculture Africains ne sont pas réparties de manière égale dans le continent, les régions africaines connaissent de grandes disparités de production en aquaculture depuis des décennies (Fig 5), avec une importante production depuis les années 2000 dans les régions Nord, Ouest et Est Africaines, et sur les 2, 4 Millions tonnes produites en aquaculture dans le continent Africain, l’Afrique du Nord produits Presque 70% (presque la totalité par l’Egypte), l’Afrique de l’Ouest avec 16,06 %, alors que la région de l’Est Africaine produit 15,70% de produits aquacoles. L’Afrique centrale et Australe produisent moins de 1,3% (FAO, 2024).
La contribution africaine à la production aquacole mondiale est toujours insignifiante (2%) (FAO, 2023), bien qu’elle augmente considérablement avec des investissements à plus grande échelle en Égypte, au Nigeria, en Ouganda et au Ghana produisant des quantités substantielles de poissons (Cai et al., 2017). La région a enregistré une production vingt fois plus importante, passant de 110200 à 2 418 844 tonnes de 1995 à 2021, avec un taux de croissance annuel de 15,55 % (FAO 2023). La croissance de la production aquacole présente d’énormes disparités selon les régions de l’Afrique, le but de cet article est d’analyser la situation actuelle de l’aquaculture des premiers producteurs en aquaculture dans les 5 régions de l’Afrique à savoir l’Egypte dans la région Nord Africaine, le Nigeria dans la région West Africaine, l’Ouganda dans la région Est Africaine, le Cameroun dans la région Centrale de l’Afrique et l’Afrique du Sud dans la région Sud Africaine.
Fig 2 : Production en aquaculture dans les 5 régions de l’Afrique
STATUT ACTUEL DE L’AQUACULTURE AU CAMEROUN
Le Cameroun est située au fond du Golfe de Guinée en Afrique Centrale et couvre une superficie de 475 000 kilomètres carrés, cette extension géographique confère au pays une grande diversité géographique et écologique (FAO, 2004), la population au Cameroun est estimée à plus de 29 Millions (Woldometer, 2024).
Au Cameroun, l’agriculture, l’élevage et la pêche occupent plus de 70% de la population active et représentent 30% du PIB (FAO, 2022). Le poisson représente 40% et 9,5% de l’apport protéique d’origine animale et des besoins totaux de la population, respectivement (Atangana et al., 2019). Le Cameroun est l’un des douze pays bénéficiaires de FISH4ACP, une initiative de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP) mise en œuvre par la FAO pour accroître la productivité et la durabilité des chaînes de valeur de la pêche et de l’aquaculture en Afrique, dans les Caraïbes et dans le Pacifique (FAO, 2022). Avec un littoral de plus de 400 kilomètres, le Cameroun se trouve sur la côte atlantique où se rejoignent l’Afrique occidentale et l’Afrique centrale. Dès 1472, il a été baptisé “Rio dos Camarões”, ou “fleuve des crevettes” par les explorateurs portugais, en raison de l’abondance des crustacés découverts dans la région. Aujourd’hui, la crevette est le principal produit d’exportation de produits de la mer du Cameroun, avec une production annuelle estimée à 5 300 tonnes issues de la pêche industrielle et de la pêche artisanale (FAO, 2022).
Il existe un grand potentiel pour la production du poisson au Cameroun, vu que ce pays est doté importantes ressources hydriques comprenant des eaux intérieures naturelles couvrant plus de 40.000 kilomètres continentales réparties entre les lacs artificiels (Lagdo, Mbakaou, Mapé, Bamendjin, Maga), les plaines d’inondation (bassin du lac Tchad) et les rivières au sein de 4 grands bassins hydrographiques : (i) le bassin du lac Tchad, avec son lac, ses principaux affluents (Logone, Chari, El Beïd, Serbewel et Mayo Tsanaga) et les plaines d’inondation; (ii) le bassin du Niger, avec la Bénoué, ses principaux affluents et le réservoir de Lagdo ; (iii) le bassin du Congo, avec la Sangha et ses principaux affluents, la Kadei et la Ngoko ; et (iv) le bassin de l’Atlantique comprenant de nombreux cours d’eau dont les principaux sont le Ndian, la Moko, la Cross river, la Sanaga, la Mémé et le Nyong. Ces espaces font l’objet d’importantes activités de pêche qui contribuent à l’emploi et à la sécurité alimentaire des populations riveraines, pour aussi la pisciculture et la conservation de la biodiversité, qui peut permettre de contribuer à la balance commerciale extérieure des produits de la pêche et de satisfaire la demande nationale (Folack et al., 2000).
Le Gouvernement Camerounais a reconnu le rôle important de l’aquaculture et tente de relancer son industrie aquacole. Le secteur est devenu une priorité pour le gouvernement qui a élaboré un cadre stratégique pour le développement durable de l’aquaculture et qui révise le cadre juridique régissant la pêche et l’aquaculture au Cameroun, afin de répondre à la forte demande de sa population croissante. (Meliko et al. ,2021).
Production halieutique au Cameroun
Au Cameroun, l’agriculture, l’élevage et la pêche occupent plus de 70% de la population active et représentent 30% du PIB. Le poisson représente 40% et 9,5% de l’apport protéique d’origine animale et des besoins totaux de la population, respectivement (Atangana Kenfack et al., 2019)
Le secteur de la pêche joue un rôle très important. Le volume total des captures en 2013 a été estimé à 78000 tonnes, avec une contribution de 1,2 % au PIB en 2009 (Pramod, 2020). Le poisson est la source de protéines la plus accessible et la plus consommée au Cameroun, car le poisson est moins cher que d’autres sources de protéines animales telles que la viande de brousse, le poulet et le bœuf (Pouomogne and Pemsl, 2008 ; Abolagba and Melle, 2021).
Les captures de pêches sont passées de 112109 tonnes en 2000 à 290 330 tonnes en 2021, avec un taux de croissance annuel de 4,64%, ainsi, la consommation de poisson est passée de 13,1 kg/an à 19,3 kg/an. En raison de la croissance de la population (2,8% par an) et en même temps, la détérioration des stocks de poissons naturels en raison de la pêche excessive, par conséquent, l’aquaculture semble être une excellente solution à la demande massive de poissons, ce qui a mené le pays à développer l’aquaculture.
Aquaculture au Cameroun
Le poisson constitue une source importante de protéines, de minéraux, de vitamines et d’acides gras essentiels insaturés pour les couches les plus défavorisées de la société. L’aquaculture sous forme de pisciculture a été introduite au Cameroun en 1948 par l’administration coloniale française (Satia, 1991 ; Tangou, 2009) et a connu des progrès significatifs au cours des dix dernières années (Pouomogne et Pemsl, 2008).
En 2021, l’Afrique moyenne représentait 0,7904 pour cent du tonnage de production aquacole de l’Afrique, la production aquacole en Afrique centrale est passée de 2 875 tonnes en 2000 à 19 119 tonnes en 2021(FAO, 2023). La consommation de poisson et de fruits de mer par habitant de l’Afrique moyenne est de 9,5 kg en 2019, vu que la production en aquaculture dans cette région n’est que de 19 119 tonnes, dont 50% sont attribués au Cameroun avec 9800 tonnes, En dépit de la comptabilisation de 402 km de la longueur du littoral Camerounais, ce pays n’a pas contribué à la production aquacole marine.
Bien que le pays dispose d’une politique nationale de la pêche et de l’aquaculture, d’une stratégie nationale de l’aquaculture depuis 2003, et d’un plan d’action depuis 2009 (MINEPIA, 2013), les objectifs stratégiques du gouvernement en matière d’aquaculture n’ont pas été atteints. Les résultats de la politique aquacole ne sont pas toujours significatifs. De nombreuses contraintes persistent et concernent les institutions, les financements, les techniques d’aménagement et de gestion des sites, avec des effets sur la production et sur l’environnement. Le développement de l’aquaculture est encore embryonnaire au Cameroun (Atangana Kenfack et al., 2019).
Des études antérieures sur l’aquaculture au Cameroun ont montré de bonnes perspectives d’avenir pour le secteur quelle que soit l’échelle de la pisciculture, si certaines des contraintes étaient surmontées. Parmi les contraintes, on peut citer le manque de compétences, le manque de soutien technique, le manque et la mauvaise qualité des alevins et des aliments pour animaux, le manque de capitaux, le manque d’infrastructures, la mauvaise gestion et la commercialisation (Pouomogne et Pemsl, 2008).
Espèces de poissons élevées en aquaculture
Au Cameroun comme dans plusieurs pays en développement, différents systèmes culturels sont utilisés dans la culture du poisson. Ceux-ci comprennent des étangs en terre, des bancs de béton, des cages et des réservoirs en béton, et la pisciculture extensive est généralement pratiquée dans les étangs (Adjanke et al., 2016).
Parmi les espèces de poissons d’eau douce les plus élevées au Cameroun on retrouve; le tilapia du Nil avec 8190 tonnes en 2023, le poisson chat avec 1540 tonnes et la carpe commune avec 25 tonnes.
Fig 1: Espèces de poissons produites en aquaculture avec répartition centésimale au Cameroun en 2021 (FAO, 2023)
Le tilapia du Nil (Oreochromis niloticus) et le poisson-chat africain (Clarias gariepinus) sont les deux espèces de poissons principalement cultivées au Cameroun avec une production principalement composée de tilapia du Nil avec un taux de 83,6 %, tandis que le poisson-chat représente 15,7 % (FAO, 2023).
Conclusion
Le cameroun est doté d’une richesse hydrique marine et des eaux douces qui lui procure de grandes opportunités pour les exploiter en aquaculture surtout que la demande en poissons est estimée à 400 000 tonnes par an, mais ce secteur est entravé par des difficultés majeures que rencontrent les producteurs piscicoles, parmi lesquelles : les difficultés financières, l’approvisionnement en alevins et en aliments, l’insuffisance en connaissance et aptitudes pratiques sur les techniques d’élevage et la gestion des sites piscicoles.
Source : Magazine Aliment d’Aquaculture Afrique.
Source photo : https://afrique.latribune.fr/entreprises/industrie/2018-01-19/cameroun-1-6-milliard-de-fcfa-d-investissements-pour-l-agropole-de-pisciculture-de-bazou-765376.html