STATUT ACTUEL DE L’AQUACULTURE REGIONALE DE L’AFRIQUE, CAS DE L’OUGANDA

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Par : Dr Mustapha ABA. Expert Scientifique en Aquaculture. Nutrition des Poissons. Rabat. Maroc

Introduction

Selon l’OCDE (2023), afin d’assurer la sécurité alimentaire, la production mondiale de poisson devrait augmenter de 1,2 % par an et devrait atteindre 203 Mt d’ici 2031, soit une augmentation globale de 25 Mt (+14 %) par rapport à la période de référence (moyenne 2019-2021),  et d’ici 2031, la production aquacole mondiale devrait atteindre 108 Mt, soit 12 Mt de plus que le secteur de la capture. L’aquaculture dans l’offre totale de poissons atteindra 53 % en 2031 contre 49 % au cours de la période de 2020 (figure 1)

Fig 1 : Aquaculture, production totale de capture et capture pour la consommation humaine (Source OCDE/FAO (2022)

Les captures de pêches sont passées de 7 Millions de tonnes à 10 millions de tonnes en 2020, alors que la production en aquaculture était d’environ 450 000 tonnes en 2000, augmentait pour atteindre presque 2 millions 420 000 tonnes en 2020 (FAO, 2024).

Les 2,4 Millions de produits d’aquaculture Africains ne sont pas réparties de manière égale dans le continent, les régions africaines connaissent de grandes disparités de production en aquaculture depuis des décennies (Fig 5), avec une importante production depuis les années 2000 dans les régions Nord, Ouest et Est Africaines,  et sur les 2, 4 Millions tonnes produites en aquaculture dans le continent Africain, l’Afrique du Nord produits Presque 70% (presque la totalité par l’Egypte), l’Afrique de l’Ouest avec 16,06 %, alors que la région de l’Est Africaine produit 15,70% de produits aquacoles. L’Afrique centrale et Australe produisent moins de 1,3% (FAO, 2024).

                Fig 2 : Production en aquaculture dans les 5 régions de l’Afrique

La contribution africaine à la production aquacole mondiale est toujours insignifiante (2%) (FAO, 2023), bien qu’elle augmente considérablement avec des investissements à plus grande échelle en Égypte, au Nigeria, en Ouganda et au Ghana produisant des quantités substantielles de poissons (Cai et al., 2017). La région a enregistré une production vingt fois plus importante, passant de 110200 à 2 418 844 tonnes de 1995 à 2021, avec un taux de croissance annuel de 15,55 % (FAO 2023). La croissance de la production aquacole présente d’énormes disparités selon les régions de l’Afrique, le but de cet article est d’analyser la situation actuelle de l’aquaculture des premiers producteurs en aquaculture dans les 5 régions de l’Afrique à savoir l’Egypte dans la région Nord Africaine, le Nigeria dans la région West Africaine, l’Ouganda dans la région Est Africaine, le Cameroun dans la région Centrale de l’Afrique et l’Afrique du Sud dans la région Sud Africaine.

STATUT ACTUEL DE L’AQUACULTURE EN OUGANDA

Introduction

L’Ouganda est un pays qui se trouve dans la région Est Africaine.
 La population ougandaise a connu une croissance d’environ 3 % au cours des dernières décennies. En conséquence, sa population est passée de 24 millions de personnes en 2000 à 49,7 millions de personnes en 2024, et  cette population devrait atteindre 100 millions de personnes en 2050 (worldometers, 2024). L’Ouganda est une économie essentiellement agricole, l’agriculture, la sylviculture et la pêche représentant 24 % du PIB total en 2020. Le secteur de la pêche a contribué à hauteur de 2,3 % au PIB de l’Ouganda en 2020.

L’Ouganda se trouve à travers l’équateur et est bien doté d’eaux intèrieures composées de lacs, de rivières et de marais. L’Ouganda est un pays enclavé, avec environ 16 % (37 166 km2) de sa superficie couverte par des masses d’eau de surface et des zones humides (Nsubuga et al., 2014), de la superficie totale du pays de 241 550 km2. Les 68 000 km2 du lac Victoria sont partagés entre l’Ouganda (45 %), la Tanzanie (49 %) et le Kenya (6 %) (FAO, 2022) et constituent de loin la principale source de ressources halieutiques du pays (NEPAD, 20O5).

PRODUCTION HALIEUTIQUE EN OUGNADA

L’Ouganda, comme d’autres pays en développement, dépend de l’agriculture, y compris de la pêche et de l’aquaculture, pour assurer la croissance et le développement des exportations.

En Ouganda, le poisson est l’un des produits de grande valeur qui contribue de manière significative à la croissance économique du pays. L’Ouganda dispose d’un énorme potentiel de ressources pour la production aquacole et la pêche de capture, car plus de 40 % de sa superficie est recouverte d’eau. Selon les estimations de la Banque mondiale (2012), l’industrie de la pêche assure la subsistance de plus de 1,5 million d’Ougandais, la plupart des poissons provenant du lac Victoria (NaFiRRi, 2020).

Fig1 : Production totale pêches et aquaculture en Ouganda

La production totale de capture a culminé à 461 500 tonnes en 2014, mais a diminué les années suivantes pour atteindre 389 600 tonnes en 2017. La production a repris en 2019 pour atteindre quelque 603 000 tonnes. L’Ouganda est le deuxième producteur aquacole d’Afrique subsaharienne après le Nigeria. La production aquacole en Ouganda est passée d’un peu plus de 800 tonnes (2000) à 103 700 tonnes en 2019 (FAO, 2022).

 L’aquaculture en eau douce a continué de constituer une part globale de la production aquacole de l’Ouganda surtout que la disponibilité de l’eau est essentielle au développement de l’aquaculture (Ssekyanzi et al., 2021).

Photo : Cage aquaculture (Lake Harvest Uganda)

En Ouganda, le poisson représente plus de 63 % des protéines consommées par les Ougandais, avec une consommation annuelle par habitant de 8,7 kg en 1999 est passée à 15,3 Kg/an en 2021, supérieure à la moyenne africaine de 10,1 kg (Adeleke et al., 2021 ; FAO, 2023).

Fig 2 : Production de pêches et aquaculture en Ouganda

La production en poisson en Ouganda en 2023 est partagée entre les captures de pêches (Fig 2) avec 621 987 tonnes (78%) et une production en aquaculture estimée à 138 558 tonnes, représentant plus de 22% de la production halieutique dans le pays (FAO, 2023).

AQUACULTURE EN OUGANDA

En termes de production, l’Ouganda est le troisième producteur aquacole d’Afrique, derrière l’Égypte et le Nigeria, et le deuxième en Afrique subsaharienne (Adeleke et al. 2021). La production en aquaculture était d’environ 820 tonnes en 2000,  a atteint 138 558 tonnes en 2021, avec un taux de croissance annuel de 27,67%, ce qui a placé ce pays parmi les premiers producteurs en aquaculture dans le continent Africain.

L’Ouganda a actuellement besoin d’au moins 908 200 tonnes de poisson par an pour le marché local et aura besoin d’au moins 1 527 300 tonnes d’ici 2040 si les Ougandais doivent consommer du poisson au niveau de la consommation moyenne mondiale de poisson par habitant de 20,5 kg (FAO, 2020).

L’aquaculture en Ouganda a une histoire relativement récente, il est rapporté que l’aquaculture a commencé en 1953 avec la création de la Kajjansi station expérimentale (Balarin, 1985; Rutaisire, 2007). L’objectif principal était d’améliorer la nutrition des familles rurales grâce à une teneur accrue en protéines animales dans l’alimentation, dans le but de réduire la malnutrition (Rutaisire et al., 2017).

Les grands lacs et rivières offrent des perspectives de culture intensive en cage (MAAIF, 2011). La majorité des poissons proviennent des cinq grands lacs de l’Ouganda (Victoria, Kyoga, Albert, George et Edward) (MAAIF, 2011), et  il existe un grand potentiel d’amélioration de la production de l’aquaculture, étant donné que plus de 18% de la surface de l’Ouganda est constituée de lacs, de rivières et de marécages (UBOS 2020)

Étant un pays enclavé, l’Ouganda dépend entièrement de l’aquaculture de poissons d’eau douce. Selon la FAO (2023), l’Ouganda contribue à 36,6 %d ans la région Est Africaine et à 5,73 % en Afrique, et l’Ouganda est actuellement le premier producteur aquacole de la région, soutenu par une plus grande proportion du lac Victoria.

Le déclin continu de la pêche de capture dans les lacs et des rivières ougandaises a rendu nécessaire le développement d’aquaculture en cage, promue par le gouvernement ougandais comme une priorité de développement et soutenues par des par des partenaires étrangers (Kifuko, 2015), ce qui a favorisé le développement de la production d’aquaculture, cette augmentation est principalement attribuable aussi à l’arrivée de producteurs aquacoles commerciaux étrangers, à la gestion des plans d’eau communautaires ensemencés et à l’adoption de technologies d’aquaculture à haute densité (Musinguzi et al., 2019) et  le système de culture en cage en Ouganda, qui a émergé en 2006 sur les lacs Victoria et Kyoga, s’est maintenant étendu à d’autres lacs et rivières (Mbowa et al., 2017; Musinguzi et al., 2019).

Auparavant, le secteur était dominé par les systèmes traditionnels de culture extensive, il convient de noter que les modes de production en aquaculture des se sont améliorées passant du système extensif au semi intensif  et avec l’utilisation accrue dans la culture en cage, ce système est devenu intensif (Namatovu et al., 2018). Les volumes de production aquacole augmentent en raison de la hausse des prix du poisson, de la stagnation de l’offre de poisson provenant des pêches de capture, de l’augmentation des investissements dans l’élevage en cage,   et l’aquaculture offre une solution plus durable et viable pour atténuer le stress sur les écosystèmes aquatiques sauvages et répondre aux demandes alimentaires actuelles et futures dans la région (UNEP, 2018).

ESPECES ELEVEES EN AQUACULTURE EN OUGANDA

            Fig 3: Principales espèces de poissons élevées en aquaculture en Ouganda

      Fig 4 : Taux de production des principales espèces aquacoles en Ouganda

Le tilapia du Nil (Oreochromis niloticus), jusqu’à récemment, est l’espèce de poisson la plus cultivée en Ouganda (Fig 3,4), en raison de son goût, de sa reproduction facile et de sa croissance avec une production qui a atteint en 2021 le poids de 98 471 tonnes avec un taux de 71,1% (Fig 4). En seconde position le poisson-chat d’Afrique du Nord (Clarias gariepinus) avec sa capacité à se nourrir de la matière organique disponible au niveau des ménages la rendent largement acceptable parmi les pisciculteurs ougandais (MAAIF 2012) avec une production en 2021 de 39 605 tonnes avec un taux de 28,6% (FAO, 2023).

Conclusion

L’Ouganda est un pays enclavé, riche  en masses d’eau de surface et des zones humides, cela représente pour ce pays une opportunité de satisfaire la demande croissante de poisson grâce à l’aquaculture et de contribuer ainsi à garantir une alimentation saine à la population croissante de l’Ouganda et l’amélioration de la production aquacole pourrait constituer une voie fiable pour répondre aux besoins en protéines, en micronutriments et en acides gras essentiels des populations dans ce  pays avec la création d’emplois et la génération des revenus.

Source : Magazine Aliment d’Aquaculture Afrique. Volume 1 Numéro 2. 2024.

Source Photo : Aquaculture Society Ouganda

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