IMPORTANCE DE LA TAILLE DES ALIMENTS AQUACOLES DANS LA DURABILITE DE L’AQUACULTURE

Par : Dr Mustapha ABA. Expert Scientifique en Aquaculture. Nutrition des poissons. Rabat. Maroc.

Le développement rapide  de l’aquaculture intensive pose assez de problèmes à propos de sa durabilité, vu que l’aliment est la source majeure de la pollution des milieux aquatiques. En aquaculture, peu d’attention a été accordée au niveau de la taille des aliments, qui est un facteur crucial affectant la croissance, la survie, le rendement, le bien-être des poissons, l’impact environnemental et le coût de production aquacole.

Cet article met en évidence  l’importance cruciale  des tailles de aliments aquacoles pour les poissons et crustacés dans la recherche en nutrition d’aquaculture, et suggère des améliorations pour meilleure utilisation des aliments dans les fermes aquacoles en accord avec la durabilité, considérant que la granulométrie des aliments peut avoir une incidence sur la productivité de l’aquaculture, et que  les déchets d’aliments sont la source principale de pollution dans les systèmes d’aquaculture.

Pour optimiser le développement de l’aquaculture, outre l’obtention d’informations permettant de formuler de bons régimes alimentaires qui répondent aux exigences des poissons, il convient de donner plus d’importance  aux techniques de transformation des aliments, afin d’assurer une meilleure utilisation des nutriments contenus dans les régimes alimentaires, à réduire les coûts de production et à avoir un impact moindre sur l’environnement (Aba, 2020), et  l’expansion de l’aquaculture dépend du développement de techniques d’élevage intensif, la formulation des aliments, les caractéristiques telles que la taille des granulés et les pratiques d’alimentation, afin d’optimiser l’efficacité de l’alimentation (Ramos-Júdeza and Duncana, 2022)

Durant les deux dernières décennies, les préoccupations concernant la qualité des aliments pour poissons et leurs effets sur l’environnement aquacole ont atteint un haut niveau (Fernandes et al, 2007 ; Yildiz et al, 2017), et l’effet environnemental des fermes d’élevage est considéré comme un élément critique qui entrave le développement de l’aquaculture durable (Akhan, S. and Gedik, 2011), dont les activités ne stimulent pas seulement la croissance des algues mais affectent également les communautés phytoplanctoniques, tout en détériorant la qualité de l’eau, milieu de vie des poissons (Anderson et al,2002 ; Bouwman et al, 2013).

Les aliments pour animaux sont la source principale de déchets dans les systèmes d’aquaculture (Akinwole et al, 2016 ; Martins et al., 2010). La production de déchets à partir des aliments pour poissons dépend de nombreux facteurs, y compris sa composition en nutriments, sa méthode de production (extrudé vs. granulés), le rapport entre la taille des aliments et celle des poissons, la quantité d’aliments par unité de temps, la méthode d’alimentation et la durée de stockage (Miller and Semmens, 2002). White et al. (2018) indiquent la relation entre la gestion des aliments pour animaux et l’efficacité économique des aquaculteurs et des autres acteurs de la chaîne pour choisir des aliments rentables, et qu’une mauvaise gestion  des aliments pendant l’alimentation peuvent entraîner des pertes économiques (Welker et al., 2018).

Les déchets produits par l’aquaculture sont classés sous quatre formes : gaz (H2S), liquides (effluents), semi-solides et solides (fraction particulaire), les deux derniers étant appelés sédiments ou boues (Dauda et al, 2019), alors que  les déchets solides sont divisés en deux catégories : les matières solides en suspension et les matières solides décantables (Schumann, and Brinker, 2020).

Le taux de polluants rejetés dans l’environnement est directement fonction de la quantité d’aliments consommés et de leur digestibilité (Chiquito-Contreras et al, 2022) qui dépendent à leur tour de la taille des aliments et du stade de développement des poissons, d’où la nécessité d’alimenter les poissons avec des aliments à taille adéquate.

Le secteur de broyage est l’un des plus importants dans une usine d’aliments pour animaux, car il est responsable de l’ajustement de la taille (granulométrie) des particules des ingrédients (Couto, 2008). Un degré de broyage fin est une condition préalable à la bonne stabilité des régimes granulés dans l’eau.

Une grande stabilité de l’eau est définie comme la capacité des aliments pour animaux à retenir l’eau pendant un certain temps avec un lessivage minimal avant la consommation, or, la stabilité des granulés dans l’eau est fortement influencée par la méthode utilisée dans le processus de granulation, la taille des particules des ingrédients, les matières premières, et le type de liants utilisés (Obaldo et al., 2002, Onada et Ogunola, 2020).  En outre, la taille des granulés est un autre facteur qui peut éventuellement affecter la stabilité des aliments dans l’eau, car les granulés plus grands sont généralement considérés comme plus stables dans l’eau (Obaldo et Tacon, 2001). L’augmentation du rapport surface/volume des granulés de plus petite taille est considérée comme étant attribuée à leur moindre stabilité dans l’eau (Obaldo et Tacon, 2001).

En aquaculture, il est de la plus haute importance que les poissons reçoivent une nourriture de taille appropriée et adaptée à la taille du poisson afin que celui-ci puisse se développer comme prévu ( Ljungqvist et al, 2011). La granulométrie est constituée par la taille (diamètre et longueur) des granulés d’aliments pour animaux (exprimée en millimètres) et devrait être l’un des premiers aspects observés dans le processus d’achat d’aliments pour animaux.

• La taille optimale des granulés a été suggérée comme étant d’environ 2 % de la longueur du poisson (Linner et Brannas, 1994).
• D’autres ont suggéré que pour une gamme d’espèces de poissons, la taille optimale de l’aliment semble être de 25 à 50 % de la largeur de la bouche (Wankowski, 1979 ; Tabachek, 1988 ; Azaza et al., 2010) ; Zakes et al. 2013) et (Mattila et Koskela, 2017).

Il est bien connu qu’il existe une relation directe entre l’ouverture de la bouche des poissons et la taille des granulés ; les granulés de taille trop importante pour l’ouverture de la bouche d’un poisson ne sont souvent pas utilisés efficacement et, à mesure que les poissons grandissent, la taille des granulés doit également augmenter (Goldan et al., 1997). Des granulés de plus grande taille peuvent présenter l’avantage d’être plus facilement détectables par les animaux (Stradmeyer et al., 1988) et de réduire la dépense énergétique des animaux pour la recherche de nourriture. Cependant, la taille de l’aliment qui peut être rapidement détectée par les animaux, peut ne pas être ingérée facilement si le diamètre du granulé ne correspond pas aux diamètres buccales comme  dans le cas des crustacés oar exemple (Smith et al., 2009).

Les aliments sont formulés en fonction des besoins nutritionnels de chaque stade de développement du poisson, qui varient tout au long des étapes de l’élevage, et pour que les aliments soient appréhendées et ingérées, la taille des granulés doit être compatible avec l’ouverture de la bouche du poisson (environ ¼ de la bouche ouverte), sinon, l’utilisation des aliments pour animaux dont la granulométrie est inadéquate peut nuire considérablement à l’alimentation des animaux, car la taille des granulés est adaptée à la taille du poisson afin qu’il puisse se développer comme prévu (Ljungqvist et al, 2011), de plus,  il a été démontré que le taux de croissance des poissons est étroitement lié à la taille des granulés d’aliments (Azaza et al,2010). Cependant, la taille des aliments  distribués peuvent affecter la quantité de nourriture qu’un poisson peut ingérer pendant la période de l’élevage, car la taille indésirable des granulés peut entraîner un gaspillage d’aliments, car les poissons peuvent être incapables d’ingérer la quantité requise d’aliments (Bailey et al. 2003).

Les particules d’aliments doivent être d’une taille permettant de les ingérer facilement, ce qui est favorable pour  augmenter la croissance du poisson. Les gros poissons peuvent ingérer de petites particules mais ont besoin de plus d’énergie pour en capturer une quantité adéquate, ce qui réduit l’efficacité de l’alimentation.( Alava, 2002). Les effets de la taille des particules alimentaires sur la sur la croissance des poissons et la conversion de la nourriture dépendent généralement de la taille des poissons. La taille des particules est donc susceptible d’avoir un impact sur l’hétérogénéité de la croissance, ce qui n’est généralement pas souhaitable en pisciculture ( Azaza et al, 2010 :

La taille des granulés fournis aux animaux aquatiques pourrait également avoir un effet significatif sur l’ingestion et le gaspillage des aliments, car ils se fragmentent en petits fragments au cours du processus d’ingestion et peuvent devenir si petits qu’ils ne peuvent plus être utilisés par les animaux (Smith et al., 2009).

L’efficacité de la digestion des aliments peut être influencée, entre autres facteurs, par la surface d’exposition des aliments aux sécrétions digestives ainsi que par le temps nécessaire à leur passage dans le tractus gastro-intestinal (NRC, 2011). Le broyage des aliments réduit la taille des particules, exposant ainsi une plus grande zone d’action aux enzymes digestives (Laurinen et al., 2000). Cependant, cela peut réduire la vitesse de transit des aliments dans le tractus gastro-intestinal (Hayashi et al., 1999 ; Sveier et al., 1999).

L’optimisation de l’alimentation en aquaculture est depuis longtemps une préoccupation majeure de l’aquaculture. La composition de l’aliment doit non seulement répondre aux besoins nutritionnels des poissons, mais elle doit également produire la meilleure efficacité de la conversion alimentaire, la croissance la plus rapide et moins de déchets possible, par le biais d’un aliment de taille optimal aux tailles des poissons et des crustacés afin de contribuer à la durabilité d’aquaculture qui suscite de plus en plus d’inquiétudes, notamment en ce qui concerne la déchets produits par une mauvaise gestion de l’alimentation.